Au cours des vingt années qui suivirent la création dIsraël en 1948, une puissante vague dimmigrants juifs venus des pays arabes (Irak, Yémen, Libye, Égypte et Syrie) et du Maghreb sétablit dans lÉtat juif. Ils ont demblée le sentiment dêtre mis à lécart dune société dominée par lélément ashkénaze et, de fait, ont du mal à considérer comme faisant partie de leur histoire la Shoah, tragédie qui reste celle dun monde ashkénaze qui les regarde souvent avec mépris. À travers lanalyse de discours politiques, de manuels scolaires ou de témoignages, lauteur montre que si la destruction des Juifs dEurope ne fut pas une mémoire partagée dès le début par tous les Israéliens, un tournant sopère lors du procès dAdolf Eichmann, véritable choc politique, dont le résumé des audiences est suivi chaque soir à la radio par des dizaines de milliers dIsraéliens. Mais cest surtout dans les années 70 que progresse lidée dune catastrophe juive globale, et donc dunité du destin juif : sans distinction dorigine, la Shoah aurait dû impliquer, en effet, tous les Juifs désignés pour la mort. Le rapport des Juifs orientaux à la Shoah démontre combien cette catastrophe nest pas à lorigine de lÉtat juif mais a renforcé lidentité israélienne pour figurer peut-être aujourdhui son lieu de mémoire cardinal.